L’acheteur peut-il mettre en place un SAD sans maximum ? La question ne manque pas d’évoquer le sort fait aux accords-cadres avec l’arrêt Simonsen & Weel de la Cour de justice[1], relayé en interne par le décret n° 2021-1111 du 23 août 2021.
En réalité, ladite question en pose deux autres sous-jacentes.
SAD sans maximum, c’est-à-dire ?
D’une part, l’article R.2121-8 du code de la commande publique (CCP) prévoit les règles de computation particulières aux SAD et aux accords-cadres. Pour ces techniques d’achat, « la valeur estimée du besoin est déterminée en prenant en compte la valeur maximale estimée de l’ensemble des marchés à passer ou des bons de commande à émettre pendant la durée totale de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique ». Le code nous parle donc de valeur « estimée » mais aussi de valeur « maximale ». Cette donnée chiffrée qui sert à computer le seuil de procédure adéquat renvoie-t-elle alors à un estimatif propre au SAD, dans la même veine qu’un estimatif marché, ou bien s’agit-il d’un maximum juridique contraignant – contraignant l’acheteur à entériner la caducité de son contrat – tel que celui des accords-cadres ?
D’autre part, si tant est qu’il s’agisse d’un maximum contraignant impliquant la clôture du système, l’acheteur a-t-il toujours l’obligation de figer un maximum dans le règlement du système, ou n’est-ce qu’une simple faculté comme ce qui existait pour les accords-cadres avant le 1er janvier 2022 ?
Deux questions donc :
Pour les accords-cadres, la chose est claire et établie, puisque l’accord-cadre avec maximum n’est plus à présenter. Par ailleurs l’article R2162-4 tire les conséquences de la jurisprudence européenne en supprimant toute référence à l’accord-cadre sans maximum. Dès lors la « valeur maximale estimée » qui permet de trancher entre procédure adaptée ou formalisée renvoie bien à une idée de maximum contraignant pour l’acheteur, et ce maximum est (désormais) obligatoire dans tous les cas. La conséquence est la caducité potentielle de tout accord-cadre avant son terme (voir notre article).
Rappelons qu’au temps du maximum contractuel seulement facultatif, cette souplesse d’exécution pour l’acheteur était compensée par une contrainte de passation : la procédure formalisée devenait obligatoire quel que soit la valeur maximale estimée.
Qu’en est-il du S.A.D. ?
En est-il à ce stade 1 du maximum facultatif ? Au stade 2 du maximum devenu obligatoire ? A y regarder de plus près, il semble plutôt au stade 0 dans lequel le maximum stricto sensu serait hors sujet… D’où la nécessaire décomposition préalable de l’interrogation de départ !
Et les textes semblent plutôt favorables à cette interprétation, dans la mesure suivante.
SAD sans maximum : les textes nous parlent d’estimation
D’abord, les formulaires standards national et européen ne soutiennent ni n’infirment rien. Le nouveau modèle national standard fixé par l’arrêté du 12 février 2020 modifié en 2021 vise seulement, dans sa Section 4, la « Valeur estimée du besoin (en euros) (Si accord-cadre ou SAD, indiquer la valeur maximale) », information non obligatoire dans l’avis de publicité par ailleurs[2]. Or, la valeur maximale peut être estimée comme contraignante. Le point II.1.5) du modèle européen d’avis de marché (formulaire JOUE) est encore plus ambigu puisqu’il reprend la formule du code en demandant une « estimation de la valeur totale maximale » du SAD, champ de plus flanqué d’une petite note de bas de page : « le cas échéant » …
Formulaires mis à part, le code lui-même prévoit spécifiquement pour le SAD un contenu minimal des documents de la consultation. L’article R2162-42 du CCP prévoit que le DCE précise notamment la quantité « estimée » des achats envisagés. Particularité française ? Non ! Le texte est une reprise pure et simple du point 4b de l’article 34 relatif aux SAD dans la directive marchés de 2014.
De surcroit, l’article R2162-37 du CCP dispose que pour déterminer la procédure applicable au SAD, l’acheteur doit prendre en compte la « valeur estimée du besoin ».
De tous ces indices, il ressort que le SAD ne semble pas avoir été pensé par les législateurs européens et français comme devant comporter un maximum. Un « maximum » estimé, oui, mais non un maximum contraignant qui bornerait l’exécution du système et impliquerait une caducité avant terme.
Il n’est pas possible pour autant d’en conclure que le SAD sans maximum serait dépourvu de sens. En effet, rien n’empêcherait l’acheteur de s’ajouter une contrainte volontaire dans le Règlement de son SAD, en prévoyant que le dépassement d’un certain seuils d’achats déclencherait la clôture anticipée du système et la mise en place d’un nouveau SAD. Quel intérêt nous direz-vous ? Outre l’intérêt théorique, une telle possibilité permettrait d’assurer une publicité optimale, régulière, pour un système économiquement très actif (référencement continu de nouveaux opérateurs) et, donc, particulièrement intéressant pour les entreprises. Il est sans doute plus simple pour ces dernières de surveiller les publications d’avis de marché que de se mettre en quête de SAD déjà installés, technique d’achat dont elles ignorent peut-être jusqu’à l’existence… ?
Pour terminer, nous ne pouvons passer sous silence les motifs de l’arrêt Simonsen & Weel et le parallèle possible entre les accords-cadres et les SAD dans le raisonnement de la Cour de justice. Jusqu’où peut-on pousser la comparaison ? Pas bien loin, de notre (humble) avis. Il suffit pour s’en convaincre de passer en revue les points suivants :