Des chiffres, qui font des nombres, qui font des notes… Faut-il nécessairement « noter » les critères d’attribution d’un contrat de la commande publique ? Le Conseil d’État vient de juger que non !
Un principe !
En matière de « méthode d’évaluation » des offres, l’acheteur est libre dans son choix.
Il en va de même, précise le Conseil d’État sans surprise, pour l’autorité concédante.
Mais on sait bien qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ! Ainsi le Conseil d’État rappelle que la méthode d’évaluation des offres librement déterminée par l’acheteur est toutefois irrégulière dans les cas suivants, quand bien même elle serait publiée dans le RC ou dans le DCE.
Des limites ?
Les principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, applicables à tous les contrats de commande publique au 1er euro, impliquent les limites suivantes :
Car il est impératif que ce soit la meilleure offre qui soit la mieux classée pour la mise en œuvre de chaque critère et que ce soit l’offre présentant le meilleur avantage économique global qui soit choisie, rappelle le Conseil d’État.
C’est ainsi que certaines méthodes un peu « innovantes » de notation par les pouvoirs adjudicateurs ont été sanctionnées par la jurisprudence. Et c’est ainsi, par exemple, qu’il est interdit de noter le critère prix d’une offre par le biais d’une formule se référant à l’estimatif du pouvoir adjudicateur ; qu’il est interdit, également, de recourir à une méthode qui fait la place à une part d’« auto-notation » par le candidat ! (voir notre article).
Une précision…
En l’espèce, l’autorité concédante avait eu recours à un barème de notation matérialisé par des flèches de couleur pointant vers différents points cardinaux : de la flèche rouge cap au Sud ⬇ à la flèche verte cap au Nord ⬆, en passant par deux « notes » intermédiaires, flèches orange cap Nord-Est ↗ et Sud-Est ↘.
Le Tribunal administratif de Toulon avait estimé que le pouvoir adjudicateur naviguait sur les mers de l’arbitraire et renvoyé le bâtiment de la procédure à son port.
Selon le motif retenu, l’absence de conversion en note chiffrée laissait « une trop grande part à l’arbitraire ».
Telle n’est pas la position du Conseil d’État, qui juge que l’absence de note chiffrée n’est pas une méthode qui, par elle-même, prive les critères de leur portée ou neutralise la hiérarchisation retenue. Bien au contraire, dès lors qu’elle « permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles ».
On peut, dans une certaine mesure, comprendre la position plutôt favorable du Haut juge administratif : qu’est-ce qui différencie une telle méthode d’une méthode d’évaluation chiffrée sur 4 ou 5 points dès lors que le pouvoir adjudicateur qui y a recours ne s’embarrasse pas de chiffres après la virgule ? Pas grand-chose…
CE, 3 mai 2022, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, n°460090