La préférence locale, le critère de proximité, le critère géographique… Autant d’appellations pour désigner la volonté récurrente de favoriser le tissu économique local dans les marchés publics.
C’est une question qui revient presque tous les 6 mois ; quelle place pour la préférence locale dans les marchés publics ? En février dernier le gouvernement a déjà pu apporter une réponse dans le cadre des questions/réponses ministérielles[1]. Et pour rappel la réponse formulait que les principes constitutionnels de la commande publique et les principes de non-discrimination et de liberté de circulation des personnes énoncés dans les traités de l’UE font obstacle à la prise en compte d’un critère géographique dans l’attribution des marchés publics.
Cette fois, c’est sous l’égide de la crise sanitaire qu’une proposition de loi tente d’inclure ce critère géographique dans la passation des marchés.
Les auteurs de la proposition mettent en avant la nécessaire relance économique et les difficultés rencontrées particulièrement par les PME. Les auteurs de la proposition de loi estiment qu’ « il est donc utile de permettre, de manière temporaire et en réaction au biais concurrentiel introduit par la crise sanitaire, d’inclure un critère géographique dans la passation par les autorités adjudicatrices des marchés publics ».
Une proposition bornée dans le temps et dans l’espace…
Les dispositions de la loi s’appliqueraient pour les marchés conclus pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à l’expiration d’une période de 18 mois à compter de la fin de cet état d’urgence, ET, uniquement pour les marchés inférieurs aux seuils européens.
1ère disposition : les acheteurs pourraient imposer qu’une part minimale pouvant aller jusqu’à 25% du nombre d’heures nécessaires à l’exécution du marché, soit effectuée par des personnels domiciliés à proximité du lieu d’exécution, dans un périmètre qu’ils déterminent.
L’exposé des motifs précise qu’un tel dispositif existe déjà pour l’outre-mer en vertu des articles L. 2691-1 et L. 2691-2 du code de la commande publique. Ce dernier vise à lutter contre le chômage des jeunes dans un environnement géographique clairement défini et sujet à des contraintes spécifiques, sans que sa conformité aux normes constitutionnelles et conventionnelles n’ait été contestée.
Ainsi, la proposition de loi vise à appliquer le même raisonnement à un périmètre temporel clairement défini – l’après-crise de la covid – au regard des contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les circuits économiques locaux.
2ème disposition : il est également envisagé l’ajout d’un critère de proximité géographique. Pour cela les auteurs précisent qu’il s’agirait d’un « simple ajout au faisceau des critères possibles, sans exclusion de principe des entreprises non-locales ». Pour les auteurs de la proposition de loi cette mesure semble « opportune au moment où les conditions de mobilité des acteurs économiques restent incertaines, et où un impératif de sécurité sanitaire incite toujours à limiter les déplacements qui pourraient contribuer à la circulation du virus ».
Concernant les étapes de la discussion, le texte a pour l’instant simplement été déposé au Sénat le 3 juillet dernier. Travaux de commission, séance publique et 1ère lecture à l’Assemblée Nationale sont encore à venir.
A la lecture de cette proposition de loi, ce que l’on peut en dire…
Concernant la 1ère disposition, elle vise à imposer non pas une entreprise locale, mais un minimum de personnes domiciliées à proximité du lieu d’exécution. On se positionnerait un peu dans l’esprit d’une clause d’insertion… et si celle-ci est bornée dans le temps, pourquoi pas ?
Concernant la 2ème disposition, cela semble plus délicat puisqu’à maintes reprises le critère géographique a été retoqué, jugé non conforme aux principes d’égalité et de libre circulation. Sachant qu’il existe d’autres mécanismes et critères pour favoriser le tissu local ; les approvisionnements directs, la rapidité de l’intervention du prestataire…
Affaire à suivre.
Proposition de loi tendant à adapter les règles de passation des marchés publics locaux aux conséquences de la crise sanitaire
[1] Voir notre article du 16 mars 2020 « Quelle place pour la préférence locale ? », QR, n°24524 publiée au JOAN du 25 février 2020, page 1485.